Jours 67 – 81 : Nos amis de la gendarmerie
Le jour le plus long
La sortie d’Istanbul aura été plus qu‘éprouvante, notamment pour traverser le détroit du Bosphore. Il nous à fallu remonter de petites ruelles pour prendre un des seuls ponts qui démarre en haut d’une colline. Une fois en haut, bingo c’est une autoroute, on se faufile un peu entre bande d’arrêt d’urgence et voies d’accélérations et nous réussissons à trouver un trottoir sécurisé, le long du pont. Nous avons droit à une magnifique vue sur Istanbul juste avant d’observer ce fameux panneau « Welcome to Asia ».
Et oui ça y est, on a le plaisir d’effectuer notre unique changement de continents !
De l’autre côté, on essaye de s’échapper de la grosse route par des petits accès dont on ignore un peu l’utilité. Un gendarme nous indique délicatement de retourner sur l’autoroute par un simple « -YOU MUST GO THIS WAY !!! ». Très bien très bien ! Nous nous redirigeons alors vers l’autoroute et finissons par trouver des escaliers qui nous permettent de continuer sur une route un peu plus à notre goût.
Mais la ville n’en fini pas là ! Il nous faut alors affronter les bouchons. Et ils ne sont pas organisés à l’occidentales. La notion de « voie » n’existe pas. Nous fonçons tête baissées dans les parechocs des voitures pour nous faire un accès. La tension monte avec les bus qui n’arrêtent pas de stationner et redémarrer sur le bord de la route, pour déposer et prendre des personnes. Ils nous doublent entre deux arrêts institués par l’imaginaire collectif (aucun panneau indique les arrêts de bus) et nous les rattrapons à chaque fois qu’ils déposent des clients. Nous faisons également la course avec les motos. L’issue est particulièrement incertaine. Leur moteur leur donne clairement l’avantage dans les phases d’accélérations, mais la maniabilité de nos montures d’acier nous permet de nous faufiler beaucoup plus facilement entre les voitures lorsque le trafic se densifie.
En fin de journée, nous nous posons à la lisière d’un bois. Seulement trente cinq kilomètres au compteur. L’excès de tension et de pollution aura eu raison de notre perception du temps… La satisfaction d’avoir passer une journée efficace est d’autant plus saccagée par le fait que nous choisissons d’établir notre camp sur une colline nous présentant un joli couché de soleil plongeant dans le centre d’Istanbul. Une simple paire de jumelle aurai surement suffit pour apercevoir le responsable de l’hôtel que nous avions pris, nous faire coucou par la fenêtre.
Humidité
Les trois jours suivants, notre principal ennemi est l’humidité (et oui elle revient toujours). En effet, la neige tassée sous les tentes se mélange avec l’eau de pluie et la terre, donnant une belle mayonnaise à l’ancienne. Les joies du bivouac. Le problème, c’est surtout qu’on ne sait jamais si oui et quand, on va réussir à sécher. Nous enchaînons les montées et descentes de moyennes montagnes le long de la côte de la Mer noire que nous voyons pour la première fois. Nous roulons également nos premières vraies « pistes » qui alternent avec les routes, pleines de sel. Le principal enjeu reste d’éviter les nids de poule afin de ne pas trop secouer les sacoches et nos petits derrières. Qui plus est, ils sont pleins de boue, ce qui refait une beauté à la chaine et aux freins à chaque évitement manqué. On peut trouver ici un avantage à la pluie qui nous lavent et relavent nos vélos…
Nous cherchons donc, à tout prix, une maison abandonnée ou un hangar pour dormir au sec. Dans un village, on commence à engager la conversation avec un jeune (par de grands gestes, essentiellement), qui nous conduit auprès de sa famille. Nous finissons dans une sorte de bar associatif ou un homme nous allume le poêle pour nous réchauffer Astuce de campagnard, l’allume feu est un pneu. On ne doute pas de l’efficacité de la chaleur apportée.
Le jour suivant, nous continuons de longer la côte. Le temps et le dénivelé auront été assez clément avec nous. Nous finissons tout de même la journée par une série de tunnel. La voie des gardes, par l’interphone, nous rappel délicatement que nous sommes dans un tunnel d’autoroute. Nous trouvons un autre accès au prix d’une montée quelque peu… raide. La pente frôle les 12-13%. Seulement quelques coups de pédales nous permettent d’avoir une très belle vue sur l’ensemble de la vallée. Mais en haut, la chance tourne.
Hospitalité en quantité
Nous échangeons quelques mots avec un paysan qui nous invitent à boire le thé. Il s’agit de Sabah et Shérif, deux retraités qui vivent avec la mère de Sabah. Extrêmement accueillant, ils nous offrent à manger directement, et nous font découvrir le « composta », sauce à base de raisin, citron, bananes… la meilleure description serait peut-être une confiture au vin. Nous discutons à l’aide des rudiments de turc que l’on connaît et à l’aide du « point-it » (petit livre répertoriant 200 dessins pour se faire comprendre à l’étranger) et bien sure de grand geste (langage international à n’en pas douter). Pour la soirée les voisins sont de la partie. Pop-corn et thé au menu. Sabah nous explique que ce genre de collation est typique des habitants des rives de la mer noire. Ils nous offrent également l’hébergement et la douche chaude ! Le lendemain encore un petit déjeuner majestueux avec frites maisons, une sorte de confiture de raisins et de l’helvar (sorte de patte d’amande nougat croustillante excellente. Bien sure, toujours avec le thé à foisons. A peine vides, nos tasses sont remplies par Shérif.
Encore un accueil extrêmement chaleureux et amicale qui donne le sourire au lèvres et nous emplit la tête de souvenir.
Sur le chemin, notre consommation de thé ne fait qu’augmenter. A chaque arrêt (pour le courses ou ou une pause), le caractère exotique de notre présence insiste les locaux à nous en offrir toujours d’avantage. Nous arrivons même à être interpellé en pleine montée par un groupe de paysans, discutant dans le bar du village. Il ne faudra pas plus de deux minutes pour nous retrouver en photo sur Facebook.
Voilà encore une semaine bien chargée !
Après sept jours de vélo, nous effectuons notre week-end tant attendu, à Karabük, pour avoir l’opportunité de visiter « Safranbollu ». Inscrite sur la liste du patrimoine de l’UNESCO, il s’agit d’une ville qui s’est développé sous l’empire ottoman. Nous y faisons donc un peu de tourisme et, dans un élan de besoin de réconfort, nous nous abandonnons dans le plaisir d’un bain Turc. Le massage est, certes, un peu violent mais il refait dorer la peau et fait renaître nos articulations. Nous revenons à l’hôtel complétement stone et mangeons une boite de loukoums pour faire passer le tout.
Pour la suite du trajet, nous décidons de prendre un bus qui nous emmène dans l’Est de la Turquie. Le lendemain, nous repartons donc frais comme des gardons, remontons sur nos montures et nous dirigeons vers le terminal de bus. Une fois rendu, impossible de trouver un bus qui part dans la journée, nous sommes donc condamnés à rester deux jours de plus à Karabük pour prendre le bus. La prochaine fois on essaiera de s’y prendre un peu en avance, l’organisation n’est pas notre fort à ce niveau la…
Nos amis de la gendarmerie
Si notre première rencontre avec eux aura été quelque peu surprenante, il s’agit désormais plus d’une formalité qu’autre chose. Pour une raison que nous ne comprenons pas, nos hôtes appellent très rapidement la police. Malgré la bonne ambiance de la rencontre, l’idée que nos passeports soient contrôlés semble naturelle. Côté positif, les gendarmes parlent généralement mieux anglais et ont des téléphones avec de bonnes connexions. Ainsi, nous pouvons communiquer avec les locaux à l’aide de Google traduction. Nous les voyons d’avantages comme nos guides attribués plus que des représentants de la loi. Cerise sur le gâteau, nous finissons, un soir, par prendre une photo avec eux.
Ces deux dernières semaines nous auront montrées à quel point la perception du temps est flexible. Ayant passés quelques jours à Istanbul, nos habitudes de sédentaires ne tardent pas à refaire surface. L’idée d’un lit au chaud ne nous fait plus tant d’effet et la moindre excursion à l’extérieur deviens un supplice. Nous avons l’impression d’y rester une éternité. Lorsque nous remontons sur les vélos, nos jambes ne savent même plus comment pédaler. Mais quelques moments sur le vélo remettent les pendules à l’heure. Les sept jours qui séparent Istanbul de notre arrêt à Karabük nous semble également très long.
Il probable que, lors de notre retour en France, nos esprits soient plus éloignés que l'horizon cosmique…