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Jours 61 - 67 : Tu verras en Turquie !


Une femme cour pour se protéger de la neige

Tu verras en Turquie ! C’est la réplique devenue habituelle dans le groupe. Dès que quelqu’un se plaint du vent, de l’inconfort du bivouac ou d’un dysfonctionnement sur le vélo, les autres n’attendent pas une seconde pour la sortir. Cependant, il semble que notre parole ait été entendue. Froid, pluie, neige, pas de cartes, difficultés à communiquer avec les locaux, nos premiers jours en Turquie semblent davantage se rapprocher d’un stage commando qu’un voyage en itinérance.


Les derniers kilomètres européens

Notre dernière journée en Grèce aura été intéressante. Nous l’entamons par une sortie de route. Alors que nous venons d’émerger, nous roulons tranquillement en file indienne. Un pickup arrive derrière nous. L’étroitesse de la rue et l’arrivée d’une voiture en face le force à ralentir. Enervé par la situation, ce dernier décide de nous doubler le pied au plancher mais, le givre de la nuit, encore présent sur certaines parties de la route en décide autrement. Tout en nous dépassant, il perd l’adhérence de ses roues arrières, fait un tête à queue et fini dans le champ en contrebas. Marmonnant dans sa barbe, il rejoint la route à l’aide d’un talus de terre un peu plus loin.


Le soir, pour dormir, nous logeons dans une petite maison en construction. Nous la découvrons le long de la route. La recherche aura été efficace : 16h15 : « Bon on cherche un endroit pour dormir » « -Tiens la maison la-bàs à l’air pas mal » « allez go ! ». 16h17 : camp installé. D’habitude, nous trouvons notre logement au bout de quelques essais. Décorée de bidons vides et quelques crottes de chiens desséchées, notre salle de bain à l’avantage d’avoir une ouverture donnant plein ouest. Cette particularité nous permet de prendre tranquillement notre douche, chauffée au réchaud, dans la chaleur du soleil couchant. Le salon, réalisé à base de briques rouges, nous permet de faire à manger dans de bonnes conditions. Nous nous découvrons des inspirations d’architectes d’intérieurs pour la chambre. A l’aide d’un morceau de polystyrène et de clous, nous fermons la fenêtre donnant sur l’extérieur. Les courants d’airs sont limités. Nous fermons la porte à l’aide de la toile de tente coincée par des planches de bois. Cette dernière nous plonge dans l’obscurité. Loïs à force de gonfler trop son matelas a fini par faire lâcher une soudure sur ce dernier, ce qui lui fait une belle bosse dans le dos pour dormir => Top !


Hôtel du soir, bonsoir

Arrivé en Turquie

Notre camp plié, nous entamons notre route pour la Turquie. Nous ne pensons pas mettre plus d’une demi heure pour rejoindre la frontière. Mais cette dernière se fait désirer. La brume s’est levée. Nous ne voyons pas à plus de dix mètres. Les dix premiers kilomètres sont une sorte de faux plat montant en ligne droite, donnant l’impression d’avoir perdu toute forme de puissance dans les jambes. Le peu de paysage que nous apercevons n’avance pas plus vite que si nous étions sur une charrette. A six kilomètres de la frontière, nous nous arrêtons à un croisement. La seule départementale va vers le nord, et ne traverse pas la frontière. Nous sommes obligés de prendre l’autoroute. De part le brouillard et l’humidité de la route, nous ne nous sentons pas spécialement en sécurité. Heureusement que la bande d’arrêt d’urgence existe et qu’elle est large ! De plus le trafic se limite à quelques voitures prudentes.


Enfin nous arrivons à la frontière. L’idée que nous sommes à la porte de l’union européenne n’est pas difficile à comprendre. De longues rangés de camions, attendent de passer sous scanner. Les chauffeurs discutent tranquillement en plein milieu de la route. Le premier poste frontière est grecque. Le policier, légèrement étonné de nous voir arriver sans un bruit, nous demande nos passeports, les contrôles et nous laisse passer. Derrière, une zone Duty free. Le cadre est hilarant. Un champ dans la brume, avec au milieu un magasin très moderne. La décoration est scintillante et les « hôtesses d’accueil » sont repeintes de mascara. Un vrai sapin de noël. Tout et n’importe quoi y est vendu. Restons sérieux, la moitié du magasin est tout de même consacré à l’alcool et aux cigarettes. Cédric fait ici son achat de doudoune (il nous vendra ces mérites à partir du premier essai). Quelques dizaines de mètres plus tard, nous arrivons à un pont. L’ambiance change. Nous voilà dans un vieux film d’espionnage. Des soldats grecques, lourdement armés surveillent le début. Nous ne voyons pas l’autre extrémité enfoui dans un brouillard épais. Avançant au pas, nous croisons d’autres militaires. Au milieu du pont, les soldats ne sont plus grecs mais turques. Un vrai échange d’otages !


Au poste de contrôle turque, nos présentons nos papiers. Le faux air amical du policier cache très difficilement sa méfiance, mais tout se passe normalement. Pensant être enfin sur le sol turc, nous rangeons nos papiers. Mais non ! Un second poste de contrôle nos demande la même chose que le premier. Puis un troisième, puis un quatrième… Peut être est-ce un système de protection. Si des marchandises illicites doivent passer, quatre policiers sont à corrompre au lieu d’un seul ?! Après un bref contrôle des sacoches, nous entrons enfin sur le sol turc.


Galère turque

N’ayant aucun accès à internet (nos abonnements téléphoniques ne fonctionnent pas), nous ne pouvons pas télécharger de cartes. Nous décidons donc de passer par la route principale. Une double voix. Toujours dans la brume, la route est une ligne droite sur une suite de collines. Sur 100 mètres nous montons et sur 100 autres nous descendons. Les klaxons s’enchainent. Parfois les conducteurs nous saluent mais paraissent parfois outrés. Notre présence sur cette route attise-t-elle la curiosité ou l’indignation ? Telle est la question… Le deuxième jour, la brume est remplacée par de la pluie. A plus de 60 km/h dans les descentes, nous nous sentons tout à fait dans un climat prospère. Pour égayer d’avantage l’ambiance, nous voyons, en direct live, un chien se faire écraser. Accompagné de quelques morceaux de parechoc, son cadavre inanimé vol littéralement au dessus de la voiture. Il fini son voyage sur le bord de la route, le dos plié en deux au niveau du bassin et la langue coincée dans les dents. Pour une fois qu’il s’agissait d’un chien qui ne nous aboyais pas dessus… Paix à son âme…

Petite randonnée sur la 2*2 voies

Nous sommes très surpris par le temps. Ayant connu un climat grecque certes froid mais sec et ensoleillé, la Turquie est très humide. Le premier soir aura par exemple été marqué par la chance. Alors que le ciel semble d’éclaircir nous trouvons un hangar d’engins agricoles pour dormir. Mais la nuit, nous sommes réveillés par le tonnerre de l’orage. Heureusement que nous n’avons pas trouvé de zone propice au camping !


Mais l’hostilité du climat ne s’arrête pas là. A un peu plus de 100 kilomètres d’Istanbul, nous voici engouffrés dans l’épisode neigeux le plus fort depuis une dizaine d’années. Les flocons s’engouffrent dans les vélos et gèlent. Nos montures se dégradent progressivement. Pour aucune raison apparente, les vitesses ne passent plus dans la commande, comme si elle était cassée et non bloquée. Se faufilant dans les dents de la transmission, la neige transforme la cassette en un gros bloc de glace. La chaine saute au moindre effort. Enfin, la béquille ne bouge plus. Une fois sortie, elle ne rentre plus.


Nous signons l’armistice avec la neige en allant dans une petite auberge d’une ville côtière. Deux jours plus tard, le temps étant toujours le même, nous finissons par prendre le bus jusqu’à Istanbul.

Les vélos rendent l'âme

La cassette est givrée par la neige

Niveau casse, Thomas a donné sa poisse à ses deux compères : Cédric a perdu ses 2 gants de toilette, ses bouchons d’oreille, ses lunettes, et les lunettes que Loïs lui avait prêté. Loïs a cassé son matelas, perdu les jambes de son pantalon-short.

Les vélos dans le bus !

Accueils chaleureux

Nos rencontres avec la population locale nous permettent cependant de compenser l’intransigeance du climat. Le premier soir, les propriétaires du hangar agricole nous donnent instantanément leur approbation pour dormir dedans. Le second soir, alors que nous errons dans un petit village, le maire/shérif (nous ne savons pas vraiment) nous ouvre une maison pour passer la nuit alors que nous ne demandions qu’un garage. Fusil mitrailleur à la main, poignée sur la crosse, le regard plissé, la gendarmerie nous rend tout de même visite en fin de soirée pour contrôler nos passeports. S’il s’attendais à voir des djadistes français en route pour la Syrie, les voilà déçus. Ils changent directement d’humeur en nous voyant et se montrent très concernés par nos problèmes de direction à prendre pour trouver un train ou un bus malgré un air sarcastique et moqueur relativement visible.


Dans la petite auberge sur la côte, le responsable nous accompagne pour nous indiquer la direction à prendre pour le centre ville. Il arrête le bon bus pour nous et indique au chauffeur à quel arrêt il doit nous alerter pour descendre. La nourriture est pas chère et bonne. Nous découvrons les « lahmacuns » (pizzas fines) et les « ayrans » (sorte de yaourt liquide salé). Nos esprits fatigués ne montrent aucune résistance au génocide de baklavas. A toute occasion, même dans les super marchés, nous nous faisons offrir des thés très parfumés.

Intrigué par l’attrait exotique de notre présence, l’échange avec les piétons se révèle très amical malgré la barrière de la langue.


Au passage de la frontière, nos conditions de voyage se sont clairement endurcies du fait du climat. Mais la sensation de voyager aura pris une tout autre dimension. Peu de gens parlent anglais. Nous nous exprimons par des gestes et du turque appris sur un coin de table, les appels à la prière rythment l’ambiance des villes. L’euphorie de la circulation routière et des bazars aiguise nos réflexes.


Actuellement à Istanbul, nous préparons les visas pour les prochains pays. Nous sommes sidérés par la rapidité à laquelle les habitudes de sédentaires reviennent. Mais les hostilités reviendront assez rapidement. Selon nos hôtes, si cette neige est inhabituelle pour Istanbul, elle ne l’est pas pour le reste de la Turquie.


La suite très bientôt !







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